HOMMAGE

Extrait du Message de Patricia Miralles
Ministre déléguée auprès du ministre des Armées
Le 19 mars 1962, le cessez-le-feu scellé par les accords d’Évian, mettait un terme à huit années d’un conflit qui n’avait pas encore dit son nom.
Pour beaucoup, le 19 mars fut le début d’un autre exil, d’une autre souffrance, de nouveaux drames. Car si le temps de la guerre prenait fin officiellement, celui de la violence et des blessures continuait à bas bruit, dans un silence qui en redoublait la douleur.
Pour les combattants du contingent, jeunes hommes envoyés se battre dans une guerre dont la nature et le sens divisaient douloureusement la métropole, ce fut pour certains l’heure du retour. Le retour dans leurs familles, qu’ils leur tardaient de revoir. L’espérance de reprendre leur vie là où ils l’avaient laissée, même si rien ne sera plus comme avant.
Mais c’est aussi le début d’un combat silencieux: celui de la reconnaissance de ce qu’ils avaient enduré. Eux qui n’avaient pas tous choisi cette guerre mais qui en avaient connu l’âpreté, eux qui portèrent longtemps le poids du non-dit.
Ils durent lutter, plus tard, pour que leurs droits soient reconnus, pour que leur expérience soit comprise, pour que leur engagement ne soit pas relégué aux marges de l’histoire.
Cette journée d’hommage, ils ont dû la demander, la revendiquer, la conquérir. Pour que dans une date s’incarne enfin le juste hommage de la Nation à cette génération qui a laissé une partie de sa jeunesse dans la poussière du sol algérien.
Mais le 19 mars fut aussi, pour d’autres, un jour d’abandon. Aux Harkis, soldats fidèles à la France, il n’offrit ni paix ni consolation. Nombre d’entre eux périrent dans l’indifférence d’un monde qui détournait le regard. Ceux qui purent fuir trouvèrent refuge sur une terre qu’ils avaient servie, mais qui, trop longtemps, les relégua à la lisière de la société.
Pour les pieds noirs, ce jour hâta l’arrachement. L’exode devint le dernier chapitre d’une histoire commencée en France et poursuivie sur l’autre rive de la Méditerranée. Ils se préparèrent à quitter ces paysages aimés, et dans leurs yeux brillaient déjà le reflet des ports surpeuplés et des traversées amères vers l’inconnu.
Et puis, il y a les autres. Les anonymes pris dans la tourmente, les civils fauchés par la violence, les familles déchirées par les engagements contraires, les silences lancinants de tous les disparus, dont l’absence était si douloureusement présente. À tous ceux-là, à toutes ces vies brisées, à toutes ces existences amputées, nous devons mémoire.
Se souvenir, ce n’est pas seulement commémorer. C’est reconnaître toutes les douleurs, mais aussi toutes les grandeurs, sans en taire aucune. C’est faire justice à ceux qui ont été oubliés. C’est honorer les sacrifices consentis. C’est porter un regard lucide sur le passé, non pour l’alourdir de nos jugements, mais pour en tirer des leçons utiles à notre temps et nous grandir dans le courage de la vérité.
La mémoire n’est pas un fardeau, mais une lumière. Une lumière qui éclaire les générations présentes et à venir, pour que l’Histoire ne se répète pas, pour que la souffrance d’hier ne nourrisse pas les fractures d’aujourd’hui, pour que les sacrifices consentis nourrissent aussi un sentiment d’appartenance, sans lequel il n’y a pas de socle pour que s’épanouisse la démocratie.
Vive la République! Vive la France!